Reportage

24H du Nürburgring 2018 : au coeur de la Légende !

12 minutes de lecture
Pour la cinquième année consécutive, me voilà sur la grille de départ des 24H du Nürburgring ! Je vous raconte tout, des essais nocturnes du jeudi à l’arrivée le dimanche soir !

Enfant, je rêvais de me rendre un jour en Allemagne pour assister à des courses automobiles et pour voir Porsche courir. Quelques années plus tard, alors que je commençais la photographie, je m’imaginais sur la mythique boucle nord du Nürburgring…  Nous sommes aujourd’hui en 2018, et après cinq années en tant que photographe aux 24H du Nürburgring, j’ai enfin pu vivre et immortaliser le moment que j’attendais depuis toujours : la victoire de Porsche dans une course de 24H d’ampleur internationale.

J’en ai pourtant parcouru des circuits, vu des courses, entendu des moteurs… Mais vous comprendrez au fil de cet article à quel point celle-ci a de la valeur pour moi. Un article que je tournerai d’ailleurs davantage sur le plan de l’atmosphère et des émotions plutôt que sur un listing non exhaustif du plateau, des chronos, et des points au championnat. Mettez donc bien votre ceinture et embarquez au cœur de la plus belle course automobile au monde !

Jeudi 10 mai : prise de repères

Chaque année c’est la même chose : difficile de concilier vie professionnelle et sport automobile ! Pour autant, la séance d’essais qualificatifs nocturne du jeudi soir représente une envie qu’il est dur de canaliser. Le vendredi quant à lui est souvent une journée avec peu d’activités, je décide donc comme l’année passée de faire l’impasse sur le vendredi et de faire l’aller-retour France-Nürburg le jeudi soir pour les essais. La folie mène déjà 1-0 face à la raison, et ce n’est que le début ! A peine arrivé en fin d’après-midi, la tentation de se rendre en forêt assister aux premiers tours de roues des autos est trop forte, et me voilà donc déjà le long de la piste, après avoir traversé les traditionnels campings et barbecues sauvages ! Que c’est bon de retrouver cette ambiance et ce plateau de rêve allant de la simple Clio Cup à l’AMG GT3 en passant par la Hyundai I30N ou encore l’Audi R8 LMS. 200 autos, plus de 600 pilotes, plusieurs centaines de milliers de spectateurs, et le plus beau circuit de la planète ! L’équation est simple et reflète bien l’ampleur de l’évènement.

Et le voilà le premier moment tant attendu ! Retrouver la pitlane du circuit GP en conditions nocturnes est quelque chose d’unique : les lumières font briller les carrosseries encore toutes flamboyantes d’un plateau GT3 chaque année plus impressionnant, le bruit des pistolets pneumatiques se mélange à la symphonie des moteurs et aux discussions des équipes en anglais, français, allemand, italien…. Les odeurs d’essence, de pneu et de currywurst forment une atmosphère bien allemande comme on les aime !

Il s’agit donc de la première séance d’essais qualificatifs. Une seconde aura lieu le vendredi, avant d’aboutir sur un Top30 rassemblant pendant une petite heure les 30 autos les plus rapides qui viseront la précieuse Pôle. Certains chanceux ont d’ores et déjà validé leur ticket pour le Top30 grâce à leur victoire aux deux premières manches de VLN et à la course de préparation. C’est notamment le cas du team Porsche-Manthey, qui peut donc se concentrer sur les réglages pour viser la Pôle le lendemain.

La photographie dans ces conditions est un exercice toujours aussi satisfaisant ! Capter le regard d’un Patrick Pilet attendant son tour de manège à 23h ou encore l’attention des mécaniciens dans leur tâche est un vrai régal ! C’est aussi le seul moment du week-end où l’on peut relativement prendre son temps pour faire des prises de vue, à l’inverse de la joyeuse précipitation des conditions de course. Je vous laisse en juger vous-même.

Samedi 12 mai matin : la pression monte…

De retour en Terre Sainte après un aller-retour chez les Franzosen, je suis accompagné de mes proches qui pour la première fois font le déplacement pour assister à ces fameuses 24H dont ils entendent parler à longueur d’année. La matinée est donc consacrée à une visite touristique des lieux, et un rapide passage chez Aston-Martin pour admirer la Valkyrie AMR. Je retrouve également mon ami Joris Clerc que je vais avoir le plaisir de former au Nürburgring pendant la course, il ne savait encore pas dans quel coup il allait se fourrer !

Les heures passent, le gong de midi est déjà largement passé, et il ne reste plus beaucoup de temps pour profiter de l’atmosphère avant le grand rush de 24h. Un dernier tour en pitlane, les batteries sont pleines, les boissons énergisantes sont en place, l’assaut va pouvoir commencer ! Je change de stratégie cette année et décide de me rendre directement sur la boucle Nord pour assister au départ. Je fais ainsi faux-bond aux festivités du paddock et à la mise en grille. La raison s’explique en trois termes simples et précis : Porsche – 919 – Evo. Pour fêter les 70 ans de la marque, Porsche a décidé de rassembler la 919 Evo (récente détentrice du record du tour à Spa Francorchamps) et la mythique 956 de Stefan Bellof, qui fait toujours office de référence avec son 6.11 sur la boucle Nord. C’est une longue attente qui se présente à moi, avec aucune visibilité sur l’arrivée des autos et une chaleur digne d’un mois d’aout ! Après une heure de stress et de position « Sniper », les voici enfin. 15 secondes et les voilà déjà qui disparaissent de l’autre côté de la forêt, mais la sensation d’avoir immortalisé un moment d’Histoire l’emporte, frissons immédiats !

« Gentlemen, Start your Engine ! »

Plus que quelques minutes avant le départ, le timing parfait pour récapituler les positions sur la grille. A mon plus grand plaisir, ce sont trois Porsche qui trustent le haut de la grille : la n°911 de Manthey Racing devant la n°44 de Falken Motorsport et la n°31 de Frikadelli Racing. Derrière cette armada de Zuffenhausen, on retrouve l’AMG GT3 n°4 de Black Falcon, et l’Aston Martin Vantage GT12 officielle. La première BMW M6 GT3 est dixième, la première Audi R8 LMS, quinzième.

Un grondement au loin à travers les arbres, le ballet des hélicoptères dans le ciel, la folie des spectateurs et de leurs sonos à Brünnchen, et voilà la meute bien lancée à plus de 200km/h au milieu de la forêt. La terre tremble, les oreilles saignent, le cœur bat fort, et le sourire est vissé en butée.

Le rythme est d’emblée insoutenable, les retardataires se font déjà manger après seulement quelques tours et les situations dangereuses ne manquent pas d’apparaitre rapidement ! Petites touchettes, gros appels de phares, et décollages à volonté, me voilà à Pflanzgarten. Vous voyez souvent des GT3 décoller les quatre roues avant de passer quasi à fond dans un virage en aveugle vous ?!

Après non-loin de deux heures de course, les Porsche sont toujours en tête, et nous remontons tranquillement le circuit. La lumière commence à être intéressante est créé de beaux puits lumineux à travers les arbres, les conditions sont optimales pour les photos alors on en profite !

Il est 18h, et le temps de la grande marche du Karussell a sonné : 45 minutes de montée en pleine forêt, 13 kg de matériel photo dans le dos, des bruits de moteurs qui transpercent la tranquillité d’une superbe nature, et des écureuils sauvages qui traversent la route… Il est plus éprouvant que vous pensez le métier de photographe, n’est-ce pas Joris ? Mais qui sommes-nous pour nous plaindre, accrédités sur la plus belle course du monde, le sourire prendra toujours le dessus, et après un bel effort nous voilà dans ce virage unique en son genre !

Cet endroit est vraiment particulier, les autos entrent et sortent de la courbe sur trois roues, tout en frottant le fond plat tout du long ! La lumière à cette heure de la journée y est exceptionnelle, faisant à nouveau apparaître puis lumineux, rayons, ombres, et contrastes intéressants ! C’est aussi à cette période de la course que commencent à apparaître les premiers symptômes de contacts sur les autos, qui leur donnent un côté encore plus attachant ! Rayures, bosses, bouts en moins, et double face… sur toutes les faces ! Miam !

Mais les premiers symptômes de fatigue ne se font pas ressentir que sur les autos… Si je ne me mets pas encore de double face sur les mollets, il est tout de même grand temps de retourner sur ses pas avant de rejoindre les paddocks pour la nuit, et de profiter d’un break avant une session nocturne éprouvante ! Difficile tout de même de résister à l’envie de s’arrêter tous les dix mètres pour capturer une AMG entre les arbres…

Une nuit mouvementée !

Après une pause bien méritée et de bons moments entre amis le long de la piste, il est temps de se remettre au travail ! Il est minuit passé, la nuit noire est bien tombée, et la pitlane est surchargée. La sirène retenti, et voilà des GT3 de top-teams qui rentrent : photographes, caméras de télévision, mécaniciens qui courent dans tous les sens… Les voilà ces moments nocturnes que l’on attend en frissonnant d’une année à l’autre ! Il est toujours aussi incroyable d’admirer le joyeux bazar organisé de cette pitlane, et plus particulièrement lorsque trois ou quatre autos débarquent en même temps et doivent se partager les quelques mètres carrés du même stand ! Je ne crois pas avoir déjà vu cela ailleurs !

Cette année, l’apparition d’une grande roue dans l’enceinte du circuit GP crée le même effet d’excitation chez tous les photographes ! Le trophée reviendra alors à celui qui parviendra à sortir la plus belle image nocturne avec la roue en fond… Défis difficile, mais relevé ! C’est également l’occasion d’attraper quelques disques rouges au bout de la ligne droite, où les pilotes arrivent lancés à plus de 300 km/h pour engager une lente épingle, impressionnant !

Trois heures du matin, les jambes sont lourdes et refusent désormais tout mouvement ! Les photos sont faites, et l’idée de profiter de quelques heures de sommeil devient persistante. C’est d’ailleurs le drame depuis quelques heures puisque la Porsche officielle de tête pilotée par Romain Dumas a fini dans le mur à plus de 200 km/h suite à une perte d’adhérence sur plaque d’huile…. Toujours au bout de la ligne droite, je regarde passer les pilotes comme une vache devant un TGV ! Bon, une vache rêveuse tout de même ! Puis tout se précipite, et nous allons vivre un des moments les plus forts de ces 24H. Boom, la foudre claque, le circuit tremble, et l’on devine les cerveaux des ingénieurs qui doivent fumer dans les paddocks. A peine le temps d’imaginer rentrer aux stands en prévision d’une averse que le déluge est déjà là ! Nous voilà sous une pluie tropicale à 3h du matin sur le plus beau circuit du monde, et soudainement les douleurs aux jambes s’effacent au profit de la motivation de réaliser des images de cahot sous la pluie ! Quelques minutes plus tard, me voilà de retour dans la cohue des stands, où tout le monde est rentré en même temps comme il a pu, en évitant les pièges d’une piste brûlante et grasse ! L’appareil photo est trempé, votre serviteur aussi, mais qu’importe, voilà peut-être des images que je serai fier de présenter à mes petits enfants dans 50 ans ! Folie 2 – 0 Raison !

4h30 du matin, cette-fois je sombre sur mon bureau en salle de presse, le regain d’énergie n’aura pas duré longtemps ! Je pars un peu plus tard chercher un confort tout relatif dans le siège passager de mon auto … Game over !

Prenant en compte la météo, je tire un trait sur le levé du soleil et me réveille étourdi à 8h dans un brouillard à couper au couteau et sous une pluie fine mais persistante. Je rejoins progressivement le circuit et me positionne dans le premier virage de la Nordschleife. Je me perds alors à imaginer ce que pourrait penser une personne lambda dans la rue en me voyant : trempé, des cernes sous les yeux mais debout, capuche vissée et bien motivé à faire des photos malgré le fait que l’on ne voit pas à dix mètres ! On n’explique pas ce genre de moment, on les vit !

A ce stade bien avancé de la course, deux autos se sont désormais détachées en tête et sont seulement distantes d’une trentaine de secondes : la Mercedes AMG GT3 n°4 du Team Black Falcon, et la Porsche 991 GT3-R n°912 du Team Porsche-Manthey. Chaque ravitaillement échange les positions, mais le faible écart nous laisse rêver à un duel final épique ! On ne croyait pas si bien dire… Encore quelques photos, puis du repos !

Les dernières heures : entre tensions et émotions !

En fin de matinée, le brouillard se fait si épais et dangereux que la direction de course décide de déployer le drapeau rouge ! Incroyable coup de théâtre, tout le monde rentre au stand jusqu’à nouvel ordre, dans l’attente d’une potentielle reprise de la course pour un dernier rush avant l’arrivée. Le timing est parfait pour aller se ressourcer en fan-zone et assister à tout cela devant le plus grand écran LED d’Europe, avec une foule rassemblée en masse à l’abri de la pluie. J’y rejoins un ami pour assister avec lui à la fin de course. Une fin de course qui s’annonce palpitante puisqu’elle reprendra pour un peu moins de deux heures, ce qui signifie que compte tenu de l’écart inférieur à un tour entre les deux autos de tête, elles repartirons à touche-touche pour une lutte finale. L’Aston-Martin Vantage GT12 officielle complète pour l’instant le podium.

Drapeau vert, et revoici notre bande de furieux qui se présentent sur la ligne de départ pour un deuxième départ lancé dans des conditions météos tout aussi mauvaises que lors de l’arrêt de la course ! Les cœurs battent fort et on ne peut qu’applaudir face au courage de ces pilotes pour se battre dans de telles conditions ! Les premiers tours se font sans incident majeur, mais le spectacle est incroyable : Frederic Makowiecki au volant de la Porsche ne lâche pas d’une semelle Adam Christodoulou dans la Mercedes de tête ! Pendant de nombreux tours, tout le monde est subjugué par le niveau de pilotage des deux talents qui ne commettent aucune erreur et se battent admirablement, presqu’à l’aveugle ! Puis arrive ce moment magique : Fred Mako prend l’aspiration dans la ligne droite du circuit GP, Adam Christo se défend en freinant plus tard à 300 km/h, et voilà la Porsche qui passe à l’extérieur et prend la tête de la course à une heure de l’arrivée ! C’est littéralement l’émeute dans la fan-zone où tout le monde se lève comme un seul homme et crie sa joie ! Mais ce n’est pas fini puisque l’AMG continue à suivre le rythme dans l’échappement de la 911…. Bien des ongles furent rongés à ce moment précis ! Mais voilà, les efforts de l’anglais ne suffisent plus, la Porsche commence à se détacher et la victoire se profile !

Ne pouvant pas manquer une telle occasion de vivre ces moments avec ma « famille », je décide de passer les trente dernières minutes de course en pitlane. La tension et l’excitation y est plus palpable que jamais, les minutes durent des heures…

Enfin ! Une dernière pointe de vitesse et voilà la Porsche qui passe sous le drapeau à damiers, quelques secondes seulement devant la Mercedes ! Tout le monde explose chez Manthey, tout le monde pleure, de Nick Tandy à Frank Steffen Walliser en passant par les mécaniciens, c’est la délivrance ! Le mélange de fatigue et d’émotion me fait craquer aussi, impossible de retenir mes larmes en voyant ces héros qui représentent tant pour moi gagner sous mes yeux dans un tel final, sur une telle épreuve, avec les drapeaux flottants d’une marque qui compte énormément dans ma vie. Probablement le moment le plus fort que j’ai pu vivre à ce jour en sport automobile ! Je ne rate aucune miette et fait de mon mieux pour immortaliser ces moments historiques !

Les autos victorieuses rejoignent lentement le dessous du podium, l’occasion de prendre connaissance de notre glorieux troisième, la Mercedes AMG GT3 n°5 du Team Black Falcon ! Je me faufile tant bien que mal pour être au plus près des pilotes à la sortie des autos, et voilà Patrick Pilet qui courre rejoindre son acolyte français Fred Makko. Il le sert dans ses bras et les premiers mots sont plein de sens « ouhhh, elle fait du bien celle-là ! ». Voilà des années que Porsche se battait pour reprendre la couronne dans l’Eifel, et on sent un réel soulagement chez cette équipe. Et quel plaisir de voir nos frenchies briller ainsi ! Suivent encore quelques minutes d’euphorie et un podium bien arrosé puis le temps arrive de faire le bilan et de prendre tranquillement le chemin du retour.

Quelle course ! Une édition bien-sûr spéciale pour moi grâce à la victoire de Porsche qui vient célébrer de la plus belle des manières leur 70e anniversaire. La météo nous aura également réservé de belles surprises, dans une épreuve où le spectacle est toujours au rendez-vous au même titre que des spectateurs incroyables créant à eux seuls une ambiance inimitable ! Les 24h du Nürburgring restent et resteront l’évènement n°1 dans mon calendrier pour longtemps, et je ne peux encore une fois que vous encourager à venir constater le mythe de vous-même l’année prochaine !

// Crédits Récits et Photos : Nicolas Verneret pour Crank.fr

Thomas Boulenger

Blogueur auto depuis 2009, je partage avec passion mes essais et mes voyages autour de l'auto. J'aime quand ça va vite, mais avec l'âge je commence à apprécier le confort du cuir... Ma deuxième passion est le vélo. Vous avez du le voir!
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